Leaders pour la paix

Jean-Pierre RAFFARIN

Président des LEADERS POUR LA PAIX

Dans cette tourmente mondiale je pense à vous et à notre passion commune, La Paix du monde.
La violence est partout, mais on ne s’attendait pas à ce qu’une arme, invisible, nous frappe et nous endeuille.
Tous les ingrédients de la guerre sont là, la peur et le courage, l’inquiétude et l’inconscient, la chance et le malheur, les héros de la santé et les salauds du marché noir, la solidarité et les polémiques, a l’international, les alliances et les fermetures…

Le mal est insaisissable.

Deux choses sont certaines, nous devons être plus attentifs aux colères de la nature mais aussi aux progrès de la science.

Comme toujours dans les périodes d’angoisse et d’incertitudes les relations humaines deviennent heureusement plus intenses, les liens familiaux sont renforcés, l’essentiel retrouve ses droits, y compris dans la douleur.
Notre combat pour un nouveau multilatéralisme se trouve aussi légitimé, tant la coopération scientifique, médicale, humanitaire entre les nations apparaît comme un chemin d’espoir. La solidarité des scientifiques dans cette guerre devra faire réfléchir les politiques.

Pour un effort de Paix

Les menaces foisonnent, les défis grandissent. Les forces et leurs formes changent, les alliances et les méthodes bougent, cependant une constance s’impose: les risques s’aggravent. Les grandes nations sont en guerre mais vivent en paix. On fait la guerre contre tout…, le chômage, le climat, la pollution, la corruption et même la violence. La banalisation du mot brouille la mesure de sa réalité.

Aux multiples crises nous opposons farouchement notre émotion, mais nous mobilisons peu notre raison et on se laisse souvent surprendre. Notre capacité d’anticipation reste faible. Ainsi il nous est apparu que la source de tout sursaut était la prise de conscience par les opinions publiques de la gravité de notre situation. La conscience de la guerre est le préalable de l’esprit de paix. Comme le montre l’Ambassadeur Pierre Vimont dans ce rapport général la faiblesse réside moins dans les analyses que dans l’efficience. Nos méthodes sont peu renouvelées, et nos réponses se concentrent sur l’immédiat et souvent évitent la pensée en profondeur. Il faut aujourd’hui innover dans la compréhension des choses mais surtout dans la gestion des crises émergentes pour intégrer des réponses nouvelles. Ainsi, par exemple, on mesure l’insuffisance du recours aux sanctions dans l’échelle des rapports de force internationaux. Le dialogue dans le désaccord doit être régénéré. L’objectif n’est pas la radicalisation de l’adversaire. L’extension des procédures bilatérales affaiblissent les acquis du multilatéralisme. Le manichéisme et la complexité progressent sur les fragilités des institutions multilatérales qui montrent ainsi l’exigence de réformes. Ces constats sont à l’origine de la création de notre ONG, « Leaders pour la Paix”. En effet il nous est apparu nécessaire d’engager une démarche collective fondée sur trois ambitions:

– promouvoir la conscience de la gravité du monde par une pédagogie publique des crises

– promouvoir des approches innovantes pour renouveler la pensée et les méthodes de la Paix

– choisir une stratégie d’influence auprès des acteurs internationaux

Pour ce faire nous nous sommes réunis à 25 personnalités ayant à la fois l’expérience des relations internationales mais aussi la connaissance des opinions publiques pour porter ce projet.
Nous n’avons pas la prétention de résoudre les conflits, nous n’ avons pas l’arrogance de penser que notre expérience est supérieure, nous cherchons, ensemble, des chemins nouveaux pour la paix. Notre logique n’est pas évènementielle mais contributive. Chaque année nous publierons un rapport et nous populariserons son contenu.
L’esprit de paix que nous voulons promouvoir n’est ni une utopie ni une résignation. Notre expérience nous a appris la résistance et la lucidité. Nous repoussons l’esprit de Munich comme nous écartons le rêve de Paix éternelle. Dans ce monde où l’information est supposée régner a-t-on suffisamment travaillé la Paix?
La pensée, aujourd’hui, sur ce sujet, nous paraît en retard. Nous cherchons des idées novatrices, proches des réalités – notre réflexion sera toujours, comme c’est le cas dans ce rapport- accrochée à des crises réelles émergentes. Parce que nous savons, parce que nous voyons, que la paix ne s’installe jamais toute seule nous rejoignons l’idée « d’effort de Paix » de Montesquieu cité par Jean Claude Carrière : » On nomme paix cet effort de tous contre tous » (1). Cette idée est notre projet.